mardi 16 août 2016

Les motivations du jugement et les suites de cette décision pour le squat de la Poterie

Un jugement équilibré reconnaissant le droit de propriétéet les droits humains fondamentaux.


Pour rappel : Depuis début juin, près de 150 personnes, dont 50 % d'enfants et des femmes enceintes, habitent dans une ancienne maison de retraite désaffectée depuis 2 ans et en parfait état (contrairement à certaines déclarations entièrement fausses publiées dans la presse, ce bâtiment n'a subi aucun incendie ni aucun dommage d'aucune sorte ni avant ni depuis l'occupation).

Le propriétaire, le groupe Lamotte Constructeur, avait porté l'affaire devant le tribunal d'instance de Rennes. Le jugement a été rendu le 5 août dernier : 6 mois de délai sont donnés aux occupants, l'application de la trêve hivernale n'est pas levée, l'association « Un toit c'est un droit » est mise hors de cause, aucune condamnation financière n'est prononcée et le tribunal n'ordonne pas la fermeture des compteurs d'eau et d'électricité, comme le demandait le propriétaire.

Les soutiens devant le Tribunal d'instance 

Pour les défenseurs des droits humains, il s'agit d'une sage décision qui, sans remettre en question le droit de propriété (puisque les occupants devront bien partir), permet d'agir de manière proportionnée en tenant compte de la situation des occupants, des textes relatifs aux droits fondamentaux et des projets du propriétaire (construction de logements et d'une nouvelle résidence pour seniors à une date indéterminée).

Pourquoi un tel jugement ?

Le juge reconnaît bien que les habitants sont « sans droit ni titre » et « qu'il convient par conséquent d'accueillir la demande d'expulsion ».

La loi prévoit un délai d'expulsion de 2 mois qui peut être réduit s'il y a effraction ; elle interdit les expulsions entre le 1/11 et le 31/3 (trêve hivernale) sauf effraction : « Rien dans les éléments du dossier ne permet d'établir que les occupants sont entrés par voie de fait, ce que reconnaît le propriétaire, ni que des solutions de relogement ont été proposées »

La fixation des délais doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté de l'occupant… des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment l'âge, l'état de santé… la fortune de chacun. Les multiples décisions du Conseil Constitutionnel, de la Cour de Cassation, de la Cour européenne des droits de l'homme reconnaissent le droit à la propriété mais invitent à prendre des mesures proportionnées en lien avec les droits fondamentaux notamment vis à vis des personnes vulnérables et ce de manière non-discriminatoire. La loi précise que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants… dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. L'ordonnance de référé précise que les occupants ont proposé de payer les charges et que « les difficultés d'accès au logement y compris l'hébergement d'urgence ne permettent pas d'assurer qu'en cas d'expulsion ces familles seront relogées rapidement ». (NB : moins d'une demande d'hébergement d'urgence sur deux reçoit une réponse positive)

Le groupe Lamotte dit que l'occupation empêchera le démarrage des travaux. « Toutefois, il ne précise pas quand ce démarrage est prévu (permis de démolir déposé la semaine de l'audience et permis de construire le jour même de l'audience) ». Il ajoute que l'occupation nécessitera une remise en état. « Cet argument ne peut être retenu, le bâtiment devant être détruit ».

La loi interdit de couper l'eau toute l'année et de fermer les compteurs d'électricité et de gaz durant la trêve hivernale. Le groupe Lamotte demandait la fermeture immédiate des compteurs d'eau et d'électricité « au titre de l'existence d'un trouble manifestement illicite » bien que reconnaissant « n'être titulaire d'aucun abonnement et n'avoir donc rien à payer ». Le tribunal des référés déclare donc ne pas avoir de compétence en la matière.

Et maintenant ?

Le groupe Lamotte a décidé de faire appel mais, en attendant, les familles peuvent souffler un peu dans leur vie d'errance : chacun retrouve une vraie vie familiale, avec son petit coin de cuisine, son petit jardin qu'elle entretien avec soin, les relations conviviales avec le voisinage (non seulement les voisins ne ressentent manifestement pas de « trouble à la tranquillité et à la sécurité », contrairement à ce que certains prétendent, mais le juge a reçu le jour de l'audience une pétition de leur part demandant qu'il n'y ait pas expulsion des résidents… ils sont même nombreux à venir régulièrement proposer de leur aide!).

Animation au squat avec les enfants

L'association « Un toit c'est un droit » organise des cours d'alphabétisation et diverses activités avec l'aide de volontaires ou d'associations amies (ateliers vidéo, soirées cinéma, aide aux devoirs à la rentrée, etc).

Nous invitons tous les volontaires qui souhaitent apporter leur pierre à venir à une réunion d'organisation le lundi 29 août à 19h au squat de la Poterie . Au programme : suite de la planification des ateliers et programmation artistique (expos, spectacle vivant).


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